L’annonce faite mercredi par Cuba annonçant la libération de 52 prisonniers est une évolution très positive, car l’acte met, une fois de plus, la balle dans le camp du gouvernement Obama. Il appartient maintenant à Washington de passer à l’étape suivante et mettre enfin un terme au vain embargo cubain.
L’année dernière, suite à son assouplissement des restrictions sur les Américains d’origine cubaine de rendre visite à leurs familles dans l’île, Barack Obama a déclaré qu’il ne pouvait pas faire plus dans sa relation avec Cuba jusqu’à ce que le gouvernement cubain a répondu de quelque manière. En haut de la liste des exigences d’Obama était la libération des prisonniers politiques.
Les roues de la diplomatie tournent lentement à La Havane, mais Raúl Castro a agi après des négociations avec l’Église catholique et le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos.
Le résultat sera la libération des 75 dissidents arrêtés et emprisonnés en 2003 pour avoir pris l’argent des États-Unis dans le but de publier des rapports critiques sur Cuba par l’entremise de sites web américains. Selon le gouvernement cubain, ils ont reçu de l’argent de l’ambassade américaine dans le but de susciter des actes hostiles à Cuba.
Dans des cas précédents, une des conditions de la libération était l’exil de l’ile de Castro, mais ici, les personnes libérées ne seront pas obligées de partir. Bien que les cinq premiers semblent avoir choisi cette option, plusieurs des 75 personnes qui ont été libérées récemment, tel que Héctor Palacios et Oscar Espinosa Chepe ont décidé de demeurer à Cuba et sont actifs politiquement.
Comme certains commentateurs ont souligné à juste titre, il y a une particularité importante dans ce marché : elle montre que le dialogue politique entre le peuple cubain est en train de se développer. Fidel Castro a toujours nié que cela était nécessaire parce que, prétendait-il, le système politique représentait la volonté populaire. Mais cet épisode montre qu’il existe désormais un champ d’échange entre le gouvernement cubain et une section de la société civile cubaine sous le couvert de l’Église catholique. Plus important encore, en publiant le communiqué de presse de l’Église sur l’accord de la libération des prisonniers dans le journal du parti communiste, Granma, le gouvernement a ipso facto reconnu que ce dialogue se déroule.
C’est le dernier et le plus sûr des signaux que Cuba se transforme sous la direction de Raúl Castro.
Une des réformes les plus symboliques a été l’autorisation d’accès à Internet, depuis 2 cybercafés de La Havane. Les filtres restent puissants, les sites des opposants politiques restent interdits, et le nom de chaque utilisateur est systématiquement relevé. D’autres limitations indirectes existent: le prix très élevé, la faible vitesse de la connexion. Les étudiants de l’université de La Havane ont appris cependant la suppression des 10 heures mensuelles de connexion qui leur étaient octroyées.
La réforme la plus spectaculaire reste l’abandon officiel de l’égalitarisme ou plafond salarial, destiné à dynamiser l’économie en plein marasme.
Mais surtout, cette affaire montre que les pourparlers avec La Havane donnent des résultats constructifs. Bien entendu, Cuba demeure un État à parti unique et un long chemin reste à faire pour atteindre la démocratie libérale, mais c’est une énorme concession qu’a faite La Havane dans sa confrontation de longue date avec Washington.
Le signal est très positif. Il appartient maintenant aux critiques de Cuba de répondre. L’UE (Union Européenne) devrait maintenant mettre fin à sa ridicule « position commune » et les États-Unis devrait commencer à démanteler son embargo cruel et inutile.
De nombreuses voix dans la communauté internationale s’élèvent contre cet embargo. Ainsi à l’Assemblée générale des Nations unies, de nombreuses résolutions proposant aux États-Unis de cesser leur embargo sur Cuba ont été votées, à une large majorité. Les seuls pays qui continuent de voter contre la fin de l’embargo à Cuba sont les États-Unis eux-mêmes et Israël.
De nombreux intellectuels et personnalités réclament l’abandon de cet embargo. On citera notamment :
Ramsey Clark (ex-secrétaire à la Justice des États-Unis) : « Le gouvernement des États-Unis est seul, défiant la volonté des nations du monde, dans la mise en œuvre de ce crime contre l’humanité. Il agit dans l’intérêt d’une poignée de groupes économiques qui veulent s’approprier les richesses de Cuba et appauvrir le peuple cubain dont la révolution apporta la santé, les libéra de la misère et apporta aussi une éducation universelle partagée avec les pauvres de la planète. Cessez cette honte.» Ramsey Clark on the Fiftieth Anniversary of the Universal Declaration of Human Rights
Alice Walker (Pasteurs pour la Paix – États-Unis) : « De ce pays [les États-Unis] gonflé de richesses matérielles et intellectuellement misérables, où il y a tant de sans-abris et d’affamés, j’ai pu admirer la lutte de Cuba pour partager ses maigres ressources afin que chacun puisse retrouver sa dignité. Cuba est admiré dans le monde entier parce que les Cubains ont démontré un amour, un engagement et un sens du sacrifice pour tout ce qui – les êtres comme la planète – est opprimé, pour tout ce qui souffre. Aujourd’hui, à l’heure où souffre à son tour Cuba, il est temps d’agir.»
José Saramago, Prix Nobel de littérature 1998 : « S’il est au monde un pays, ou il est véritablement possible d’être humain, Cuba est ce pays. Bien qu’elle soit passée par toutes sortes de bouleversements, de circonstances implacablement négatives, depuis la domination coloniale jusqu’aux harcèlements qu’elle subit aujourd’hui, l’histoire cubaine garde une racine intacte, que l’on ne peut arracher et qui toujours continue de fleurir. Pour cette raison, je dis que Cuba est un état d’esprit. Que l’on peut être Cubain sans être né à Cuba. Et qu’en ce sens, je suis Cubain. »
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