Quotidiennement des millions de femmes noires étouffent leurs cheveux naturels sous une perruque, greffe, tissage, lissage et autres ingénieux moyens. Cette option qui leur permet d’avoir une apparence plus proche de leurs consœurs occidentales, est-il symptomatique d’un sentiment de rejet ou est-ce un réel choix délibéré?
Pour la femme noire, le simple geste d’afficher sa chevelure naturelle semble être devenu un geste politique. Le second Natural Hair Congress Canada 2017 (NHCC) tentait à répondre à ces interrogations et surtout outiller les femmes dans leur cheminent capillaire. Khady, Yves-Céline et Janelle, les coiffeuses et analystes de boucles chez Inhairitance, organisateur de l’événement, offraient gracieusement des conseils et services aux femmes qui le sollicitaient.
Dans le centre-ville de Montréal, c’est le 3 et 4 juin 2017 que le Loft Hotel était l’hôte du congrès adressé exclusivement aux femmes bouclées. Noires, Métisses, Maghrébines composant naturellement l’essentielle de l’assistance. Très peu d’hommes y assistaient. Les luxueuses chambres du Loft Hotel furent adroitement travesties en salles de conférences, les espaces communs en aires d’expositions. Un congrès tentaculaire pourtant difficile à suivre. L’on pouvait facilement se perdre dans ce dédale d’événements et de kiosques. La richesse et la qualité des exposants et panelistes invités supplantaient par contre cet inconvénient.
Première journée, le 3 juin 2017, dans la salle de conférence principale, deux modératrices: Déborah Cherenfant qu’on a pu rencontrer plus tot cette année à l’exposition Impressions et Shari Okeke; Cinq femmes: Meryem Saci, Myriam Laabadi, Marième Ndiaye, Sahar Saidi et Brenda Sufer allaient tenter d’expliquer, chacune dans sa diversité, les défis auxquels font face les femmes qui décident d’exposer leurs cheveux naturellement bouclés.
Au-delà de son amour pour ses boucles, les cheveux de Marième Ndiaye envoient un message clair de ses origines dit-elle. Dans le cadre de son travail dans les médias à TVA, LCN, à VRAK elle choisit de constamment porter ses boucles naturelles. « Plus on va me voir, plus on va reconnaitre que les standards de beauté sont différents. » Applaudissement. À la question, quels conseils donnerais-tu à quelqu’un lorsque l’on dit que ce type cheveux est non-professionnels? Elle répond tout bonnement : « Dans la mesure où tu fais ton métier et tu le fais bien, tu es professionnelle. Plus il y aura de professionnelles qui font bien leurs métiers, qui se respectent, qui portent leurs cheveux naturellement, plus ce sera accepté.»
Pour Sahar Saidi instigatrice de Love Ur Curls, ne pas lisser ses cheveux, le port de ses boucles naturelles commence d’abord par la pleine acceptation de soi. La chanteuse Meryem Saci qui évolue également dans le monde de l’immobilier en ajoute: « Il y a une autre réalité qui est au-delà de nos sentiments d’authenticité. Nous sommes des enfants de migrants ou venons de pays colonisés. Nous ne sommes pas sur notre terre, pas dans notre système, pas dans notre culture.» La native d’Algérie poursuit ainsi : « Les standards ne nous promeuvent pas et ils ne sont pas là pour nous rendre la vie plus facile. Je dis que cela doit être un ajustement entre pirater le système et être qui l’on est.»
Dans la foule composée de 99 % de femmes noires, une intervenante à la peau d’ébène, culminé d’une longue greffe lisse a tôt fait de prendre le micro pour soutenir son opposition. Étayant son histoire aux gens présents, cette femme d’affaires communiqua que depuis des années elle ne porte que la perruque pour sauver du temps affirme-t-elle. « Tout ce que j’entends, c’est que porter les cheveux naturels c’est s’accepter, c’est ne pas se défendre, c’est accepter son héritage. Je suis tanné de vivre depuis trente ans comme si, black outside-white inside, parce que dans vos messages vous stigmatisez la personne qui n’a pas le temps de prendre soin de ses cheveux. C’est blessant!» Déborah Cherenfant lui répondit simplement que pour elle, cela ne lui prend guère plus de temps. Elle mouille, sèche et hop!
Tout de même, l’acceptation de soi est majeure pour Myriam Laabadi. Enseignante dans un cégep montréalais, la doctorante affiche franchement ses mégaboucles depuis toujours. Imposant sa chevelure naturelle à ses étudiantes, elle s’en trouve réjouit au bout de chaque année scolaire, lorsqu’une ou plusieurs de ses élèves suis la voie pavée par l’enseignante et qu’elles se départissent de leurs subterfuges capillaires.
Les débats et les prises de paroles ont tout au long bien sûr dépassé le cadre de la simple pilosité féminine. Des échanges constructifs d’autres libérateurs ont été émis. Jamais de prise de bec.
Simultanément dans une pièce plus intimiste, aménagée pour une vingtaine de participantes passionnées, on retrouvait une guru de la boucle, Milca. Cette jeune youtubeuse enjouée, créatrice de la chaine Milca LesCurls est suivie par près de 30 000 abonnées. Avec sa détermination et surtout sa constance sur YouTube, L’Oréal l’a repéré en avril 2016. Elle choisit de signer un pacte avec le géant de la cosmétique, un choix qui la permet de vivre de sa passion et surtout d’en apprendre plus sur le métier. La globe-trotter a offert ses trucs et astuces aux participantes, toutes afro-descendantes, pour démarrer efficacement sur la plate-forme de partage de vidéo la plus populaire au monde.
Aussi attendu qu’intéressant était le panel offert par Taren Guy: « My hair journey to freedom. » Lucid Living sur YouTube, suivit par plus de 250 000 personnes, elle raconte, par coiffure interposée, les différentes phases de sa vie. Par son tempérament obsessif, la New-Yorkaise a fait cheminer la salle comble aux travers ses choix et tenté de faire comprendre la différence entre la nécessité et le choix. Ses cheveux sont le catalyseur de ce qui se passe en dedans. Le simple fait d’exhiber ses vrais cheveux n’a pas suffi à libérer la femme noire en elle. En 2011 elle rase tout. Aujourd’hui, après un afro qui la labellisait, elle décide de porter des « free form locks» des dreadlocks formés naturellement.
Lorsque Taren posa la question à l’audience « qui de vous se sent libre?« , moins de la moitié des femmes présentes osaient le prétendre, la main levé. Quand elles prirent la parole, certaines indiquaient que ce traumatisme est un problème d’éducation ou de souvenir de parents qui sermonnaient : « Tu auras l’air d’une domestique avec tes cheveux comme ça! » Une autre a soulevé qu’elle désirait ressembler à la poupée qu’elle avait petite.
Beaucoup de témoignages ont émané de la salle. Des participantes se sont même emparées de la scène. Dans un anglais parfait, une jeune demoiselle apparemment très émue a signalé à la youtubeuse que sans aucun modèle pour comprendre son cheveu, elle a appris l’anglais afin de mieux comprendre sa mentore sur YouTube. On sentait la satisfaction de ces femmes béates de pouvoir échanger ouvertement sur ce qui pourrait paraitre insignifiant sinon étrange pour quelqu’un à l’extérieur de cette sphère.
Animé par Jerry Fernezan et Yvana Labouda, le HairStylist competition and HairShow terminait cette première journée de façon grandiose. Des défilés extravagants, un concours de styliste et de barbiers ont émerveillé les spectateurs. Le jury était composé, Michal Harewood, Teren Guy et Vickie Joseph aussi porte-parole du NHCC 2017. Les stylistes devaient présenter leurs modèles : un professionnel, une signature et un mariage. Les Salons As God made me, Vision D. C, Jo’Ann Salon de Beauté se sont disputé la couronne du meilleur style. Du coté barbier, Jerry’s Coiffure et Notorious étaient les deux pugilistes. Les gagnants 2017 du NHCC ont été le Jo’Ann Salon de Beauté, Salon de Beauté Vision D.C. et Notorious.
Abisara Machold, fondatrice d’InHairitance, allait finalement prendre la parole pour remercier amies, commanditaires, et les participantes qui ont fait de cette journée un succès avant la soirée dansante animée par DJ Chronix.
Cette journée exceptionnelle annonçait la suivante. Le Natural Hair Congress Canada s’inscrit définitivement dans les événements afro-culturels à ne pas manquer dans la métropole québécoise.
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