Tel un phénix qui renaît de ses cendres, le « sage » Corneille, comme le qualifient nos doyens, nous livre un nouvel album. Plus que de la musique il s’agit surtout d’une ode à la vie, à la famille et à l’amour.
Vivre et aimer, la plus belle revanche pour l’enfant né de l’Amour et devenu orphelin pour cause de la bêtise humaine. « Parce qu’on Aime », son huitième opus, sera disponible en février 2019. Les singles qui ornent ce bijou sont : « Tout le monde » et « Manque de sommeil ». Le prince des mille collines s’est aussi ouvert dans son autobiographie intitulée « Là ou le soleil disparaît ».
Beauté et force sont les ingrédients qui distinguent la carrière de Corneille du reste du paysage artistique francophone. Conseils d’un pacificateur pour révéler au grand nombre la résolution de l’énigme de l’eau douce et l’eau amère.
Quel type de patriarche êtes-vous? Que vous a transmis votre aïeul que vous transmettez également à vos enfants?
Quel genre de patriarche suis-je? J’ai toujours du mal à répondre à cette question, car j’estime être toujours en formation. Je préfère laisser à mes enfants, lorsqu’ils seront en âge, le soin d’y répondre eux-mêmes à cette question. Cependant, je suis un père aimant. J’essaie d’être présent sans être suffocant, c’est l’équilibre le plus dur à trouver. Je laisse suffisamment de liberté à mes enfants pour qu’ils puissent avoir leur personnalité au-delà de moi. Mon aïeul m’a transmis la folie de croire que même les idées les plus folles pouvaient se concrétiser! D’oser aller là où l’on ne vous attend pas et surtout où l’on vous défend d’aller!
Vous touchez tous les publics depuis des décennies et vos chansons sont intemporelles. Révélez-nous le secret de votre longévité sur le plan professionnel et personnel.
Je ne me sens pas encore assez vieux pour parler de longévité, mais il est vrai que les morceaux qui m’ont fait connaître datent d’une quinzaine d’années maintenant. Il n’y a pas de secret absolu. Dans mon cas, je pense que je suis encore là parce que j’ai encore la motivation et la capacité d’exercer ce métier. J’ai établi en dehors de ma profession un équilibre qui me maintient psychologiquement et mentalement et qui me permet d’aller de l’avant. Je suis un homme qui existe au-delà de la musique. L’amour me fortifie, ma vie familiale me permet de relativiser sur certain échec que je pourrais rencontrer. Dans ce milieu, il est important d’être authentique, car le public le ressent. L’équilibre permet la durabilité, ma stabilité personnelle me permet de revenir toujours avec le même dynamisme et l’envie.
Comment transformer les peines en force pour le futur?
Il ne faut pas se demander comment faire, mais surtout pourquoi le faire. J’ai eu la réponse assez tôt au début de ma carrière. L’amour de mes parents a été porteur dans ma vie. J’ai le souvenir indélébile que chaque fragment qui me compose était aimé de mes parents et le savoir est la plus grande arme pour forger ma détermination. Sans cette conviction et chance, je ne pense pas que j’aurai eu cette même niaque ou même la volonté de vivre tout simplement. Je n’ai pas de formule type, je suis quelqu’un d’optimiste, une situation néfaste ne peut entériner mon espoir de jour meilleur. J’ai la naïveté de croire que la vie vaut d’être vécu et que l’amour que l’on donne à nos enfants est primordial.
Si l’Occident est un mari et l’Afrique son épouse qui souhaite divorcer, cependant son époux refuse cette alternative. Selon vous, que devrait faire l’époux pour séduire et épanouir sa femme de manière durable?
Commencer par séduire les enfants, c’est le biais le plus efficace! Je connais les histoires de divorce… surtout si c’est la femme qui veut divorcer (rires)! Les enfants de l’union entre l’Occident et l’Afrique, c’est nous! Lorsque je parle de l’Occident, je m’adresse surtout aux dirigeants, tous partis confondus, de faire l’effort de reconnaître que les enfants de cette union sont les leurs! Ce qui n’a jamais été fait. Il s’agit d’un enjeu important pour la Terre-Mère. Dès lors que son rejeton dérape, le « papa » n’assume plus son enfant et lui rappelle qu’il est alors le marmot de sa génitrice. L’Occident doit accepter ses enfants quoiqu’il arrive et maman doit être autonome pour le bien des enfants et du père.
Si le peuple est son enfant, comment l’Occident pourrait-il devenir un meilleur parent?
Il y a eu une mutation dans le paysage occidental depuis ces cinquante dernières années. Loin de faire l’apologie du multiculturalisme, je constate la diversité dans sa population. Désormais l’identité occidentale ne pourra plus être définie simplement par la couleur de peau. Il est banal d’être Noir et Français ou Canadien. Ce qui différencie une personne occidentale de « souche » et une autre, c’est surtout les idées que l’on veut faire croire, car je suis né en Allemagne. Vers 7 ans, je me suis rendu au Rwanda. Je m’étais rendu compte que j’avais hérité d’une autre culture, différente de celle des autres enfants. Le monde change et l’Occident également, car les enfants de l’immigration rentrent dans son histoire et s’adaptent à cette nouvelle démographie. Les politiciens et les médias doivent innover et tenter une nouvelle approche même si cela n’est pas dans leurs ADN. Les gens qui sont à la tête doivent apprendre à rassembler et fédérer malgré leurs partisaneries et allégeances. Les politiques doivent être à l’écoute du peuple et les médias doivent cesser de créer des scoops stupides et occulter les sujets de fond pour ne jamais permettre que l’on aborde un débat utile.
Vous incarnez la tolérance et votre aura fédère. Votre histoire personnelle a ému un grand nombre. Expliquez-nous quelles sont vos méthodes pour être apprécié et reconnu pour votre talent et travail sans que l’on se concentre sans cesse sur votre couleur?
J’ai pourtant l’impression que l’on se concentre encore sur ma couleur. Par moment je ne pouvais pas être totalement moi même face à une personne de culture différente, car je constatais que mes références afro-américaines n’étaient pas celles de mon interlocuteur. Alors pour palier, je citais celles de la personne pour être compris. Je suis ravi que notre héritage noir soit désormais reconnu dans la culture, la mode et que les investisseurs financent désormais des projets qui nous mettent en valeur.
J’ai dû m’adapter à mon environnement tout au long de ma vie et je ne pense pas être le seul dans ce cas. Mes influences sont variées cependant je sens toujours ce regard inquisiteur lorsque tu es le seul noir dans un endroit huppé ou dans une destination ou l’on ne me connaît pas. Je suis conscient de ma couleur et surtout du potentiel de l’afro-descendant. L’émergence et la popularité de nos artistes sont phénoménales! Cependant, l’histoire liée à l’esclavage, la colonisation, la négativité et les quolibets dus à cette condition passée est un fardeau trop lourd à porter pour quiconque. Se défaire de cette tâche dans notre histoire collective, sans oublier d’où l’on vient, c’est le défi de toutes personnes afro-descendantes vivant en Occident.
Quel proverbe, citation…qualifiant le plus votre être intérieur désirez-vous inscrire sur l’Encre Noir?
« Je ne suis ni plus ni moins qu’un autre », c’est une citation qui me calme et me permet de réaliser que je ne suis ni inférieur ni supérieur à un autre.
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